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mardi 6 décembre 2016

Où va Erdogan ?

Alors qu ’on le croyait calmé, entre autres par Poutine et les revers qu’il a essuyé cette année, l’insensé Erdogan, tel le chien qui retourne à son vomi, est retourné à sa folie (Proverbes, 26:11).

 

Après avoir envoyé cet été, suite à la tentative de putsch, des mots (creux) d’amitiés au président syrien Bachar el-Assad, le voilà qui déclare, alors que l’armée turque manœuvre sur le territoire syrien, le 29 novembre 2016 : « Nous sommes entrés en Syrie pour en finir avec le règne du tyran Assad » [1].

Au-delà de la dimension pathologique du comportement erratique et irrationnel d’Erdogan, qui réclamerait une analyse psychanalytique, nous allons essayer de comprendre ici la cohérence – difficile à percevoir – entre les objectifs et la stratégie du président turc, au regard de l’histoire idéologico-politique de la Turquie moderne. La politique expansionniste : un projet néo-ottoman ou kémaliste ?

Erdogan n’est pas un accident de l’histoire turque – si tant est qu’il existe des accidents dans l’Histoire –, mais il est, par ses aspirations et sa vision de la Turquie le résultat de l’histoire moderne de son pays.

S’il fantasme effectivement sur un élargissement des frontières turques se rapprochant de celles de l’empire de jadis, du moins au Proche-Orient, Erdogan n’en est pas moins un héritier du kémalisme.

Mais pour le comprendre, un rappel historique s’impose… Comme je l’ai déjà écrit, l’acte fondateur de la Turquie moderne est la révolution maçonnique des Jeunes Turcs ; une révolution de rupture totale qui a fondé un Etat jacobin centralisé, ethnocentrique, laïque et athéiste, alors que l’Empire ottoman était, notamment à partir du XIXe siècle, décentralisé (ce qui a précipitée sa chute), multi-ethnique et appuyé sur la religion.

Pour ceux qui imaginent aussi que les Kémalistes n’auraient pas de liens avec les Jeunes-Turcs, voici le témoignage d’Ömer Kâzim, un observateur turc avisé qui a assisté à la révolution Jeunes-Turcs et à leur retour au pouvoir sous l’étiquette de « Kémalistes ». Ainsi, il écrivait en 1921 :

« Au fond, les kémalistes et les Jeunes-Turcs sont bien d’une seule et même essence : la plupart des hommes d’Angora sont des anciens membres du Comité « Union et Progrès » (l’organisation politique de type maçonnique fondée par les Jeunes-Turcs en 1889) et ce sont bien eux, qui, pendant la guerre mondiale, ont déployé une activité néfaste. Les cadres de tous les services publics d’Angora, surtout ceux de l’armée, sont recrutés parmi les Jeunes-Turcs. Les membres du Gouvernement sont, pour la plupart, des Jeunes-Turcs : le président du parti de la Défense nationale, fondé récemment par Kemal lui-même, est Serif Bey, l’homme de confiance de Talaat, et le bourreau de milliers d’Arméniens. Il est actuellement, et pour ainsi dire, le pivot du gouvernement d’Angora. La plupart des membres de l’Assemblée d’Angora sont des personnalités qui se sont plus ou moins distinguées depuis 1908. Tous ceux des Jeunes-Turcs qui, reconnus coupables, ont été expédiés et retenus à Malte, se trouvent aujourd’hui à Angora. Ils travaillent en première ligne. C’est ainsi que l’ex-ministre des Finances, Djavid Bey devint la main droite de Bekir Sami à la Conférence de Londres. Il s’en est fallu de peu pour qu’il retrouve son poste d’autrefois du Gouvernement actuel. Younous Nadi Bey, qui fit aussi partie de la mission Bekir Sami, à Londres, est aussi un des coryphées de l’Unionisme ; ancien rédacteur de Malumat (Information), et député de Smyrne, il dirige actuellement le Yeni Gün (Nouveau Jour), le principal organe kémaliste. Le célèbre « Père » du néoturquisme, le Dr Zia Nour, est le conseiller particulier de Youssouf Kemal, ministre des Affaires étrangères. Il se trouve en mouvement perpétuel, car c’est lui qui est chargé de la transmission des lettres confidentielles fréquemment échangées entre Moscou et Angora. Ahmet Nessimi Bey, ministre des Affaires étrangères sous le ministère Talaat, se trouve, aussi, parmi les éligibles d’Angora. Sami Bey, après avoir figuré à Malte, parmi les coupables de la guerre, dirige maintenant les services des postes et télégraphes de l’Etat d’Angora. Hadji Adil Bey, qui présida la première Chambre turque, vient de se rendre à Angora où il est appelé à occuper un poste de confiance. Enfin l’homme qui dirige la politique extérieure, le fameux Youssouf Kemal, est aussi une des sommités de l’ancien Comité « Union et Progrès ». Ex-député de la première Chambre turque, aussitôt après la Révolution de 1908, il fut l’un des plus ardents défenseurs de l’idée de l’entrée de la Turquie en guerre, aux côtés de l’Allemagne. En général, il n’y a pas de poste important à Angora qui ne soit occupé par un ancien membre influent du Comité « Union et Progrès ». » [2]


Erdogan, qui est un des principaux soutien politique et géopolitique de Frères Musulmans, est la personnification de la fusion entre Kémalisme et Frérisme, puisque, comme je l’ai déjà écrit, Hassan Al-Banna (1906-1949), le fondateur de l’organisation des Frères musulmans (fondée en 1928), a structurée la confrérie sur le modèle de la Franc-Maçonnerie – et ce jusqu’au rite initiatique, d’ailleurs similaire à celui de l’organisation de type maçonnique des Jeunes Turcs, le Comité Union et Progrès [3] –, étant lui-même, ainsi que son père, le disciple d’une lignée de Francs-Maçons déguisés en religieux tels que Jamal Eddine al-Afghani (1838-1897) et Mohamed Abduh (1849-1905) [4].

Quoi de plus logique que de voir Erdogan soutenir à la fois les objectifs révolutionnaires et internationalistes des Frères Musulmans et poursuivre ceux des kémalistes qui, il faut le souligner avec insistance, voulaient dès 1921, comme Erdogan aujourd’hui, élargir les frontières de la Turquie jusqu’aux limites de ceux de l’Empire ottoman [5].

Cette information avait été rapportée notamment par le journal français de Constantinople Le Bosphore sous la plume de M. de la Jonquière le 1er juillet 1921 :

« Les Turcs se posaient en victimes, cherchant à rejeter sur des causes fortuites, occasionnelles, les responsabilités d’une politique dont ils auraient largement profité si elle avait réussi. Ce n’était pas sur Smyrne seulement et sur Andrinople que portaient leurs revendications territoriales ; elles embrassaient toutes les contrées qui avaient fait partie de l’Empire Ottoman, avant la guerre… Au nom de principe des nationalités, ils ont réclamé le maintien de la souveraineté ottomane, non seulement sur la Thrace, l’Anatolie et l’Asie Mineure, mais sur tout le territoire au-delà du Taurus et sur tous les pays arabes. Les nationalistes ont encore renchéri sur ce programme. Les imprudentes contre-propositions qu’ils ont adressées au Gouvernement français, à propos de la Cilicie, sont un coup de cloche avertisseur. N’affichent-ils pas la prétention que le Traité de Londres soit révisé, non moins que celui de Sèvres ! Ce n’est plus la Turquie d’avant 1914 à laquelle ils postulent ; c’est celle d’avant la guerre balkanique ! Pour un peu, ils prétendraient restaurer l’Empire de Suleïman-el-Kanoun. Voilà ce qu’ils entendent par « frontières nationales ». » [6]


 

Le putsch, la purge et le repositionnement stratégique

Qu’Erdogan ait laissé faire le putsch pour mieux le faire avorter ou qu’il ait été prévenu par les russes dans un contexte où le président turc, affaiblit, ne pouvait que se tourner vers Poutine qui venait de lui pardonner (en juin 2016) sa trahison de novembre 2015 (lorsqu’un chasseur turc a abattu un bombardier russe), le résultat reste le même. En effet, le putsch a été une formidable opportunité pour Erdogan de raffermir son pouvoir en se servant du prétexte du complot Guleniste pour faire une très large purge en Turquie.

L’écrivain et analyse politique Israël Shamir, qui s’est rendu en Turquie pendant la purge, rapporte (en octobre 2016) :

« Après le putsch, Erdogan a entrepris la purge des Gulenistes ou Fethullistes comme on appelle les partisans de Fethullah Gülen, le père de l’islam politique turc modéré et le créateur d’un vaste réseau d’écoles qui s’étend sur 160 pays. Ils étaient censés être les initiateurs du coup d’Etat. Ce n’est en fait pas très clair, si Gülen et ses partisans étaient bien derrière l’opération, mais il ne fait pas de doute que ce sont des ennemis d’Erdogan. La purge n’est pas sanglante mais douloureuse : les proscrits ne sont pas abattus, mais perdent leur travail et atterrissent souvent en prison. Quelque soixante-dix ou quatre-vingt mille personnages sont passées à la trappe, 35 000 sont à l’ombre. Ils sont juges, officiers de l’armée, fonctionnaires, et souvent enseignants. 500 personnes ont été chassées du ministère des Affaires étrangères, certains avaient refusé de rentrer chez eux quand l’ordre de se replier avait été donné. L’état d’urgence a été déclaré juste après le putsch, et vient d’être prolongé pour trois mois de plus. » [7]


Depuis le putsch du 15 juillet 2016, Erdogan n’a plus d’autre choix que de se tourner définitivement vers la Russie. J’écrivais déjà dans un article (Le destin de la Turquie moderne et la politique suicidaire d’Erdogan) paru le 2 juillet 2016, 13 jours avant la tentative de coup d’Etat, dans ces mêmes colonnes, qu’Erdogan, frappé par la folie des grandeurs, s’est aussi aliéné ses maîtres étasuniens qui voyaient d’un très mauvais œil les libertés que prenait le dirigeant turc qui a trop tiré sur la laisse en allant bien au-delà de ses prérogatives de vassal. J’expliquais qu’il était devenu pour les Américains un allié gênant, car de leur point de vue, la Turquie est au Moyen Orient ce que l’Allemagne est à l’Europe, à savoir une puissance régionale qui n’est tolérée qu’à condition qu’elle applique l’agenda politique des Etats-Unis en toute soumission. J’avais ajouté qu’Erdogan étant devenu orphelin, en difficulté sur le plan de la politique intérieure, tentait une réconciliation avec la Russie. J’avais conclu l’article en émettant l’hypothèse d’une destitution à venir d’Erdogan.

Mon analyse a été confirmée moins de deux semaines plus tard. D’ailleurs l’on a appris que les Américains n’étaient pas étrangers à cette tentative de putsch.

Comme l’explique Israël Shamir dans son article d’octobre 2016 :

« On découvre que l’administration américaine avait décidé de faire son affaire à l’indocile Erdogan, il y a déjà quelque temps, et d’installer l’homme de Gülen, Ahmet Davutoglu, à sa place. Michael Rubin, le néoconservateur très écouté et spécialiste de la Turquie, demandait la tête d’Erdogan depuis longtemps. En mars 2016, il avait lancé un appel au putsch… » La multitude des forces – d’origines ethno-religieuses et idéologiques – opposées en Turquie, auxquelles s’ajoutent les manœuvres très imprudentes, pour ne pas dire stupides, d’Erdogan, le mettent dans une situation très précaire ; car il ne suffit pas d’envoyer des dizaines de milliers de personnes au trou pour régler des problèmes politiques si profonds. Si la purge consolide son pouvoir politique, en le raidissant, Erdogan se met au-devant d’un danger, une cassure d’un pouvoir sans aucune souplesse qui ne pourrait absorber la force de soulèvements de populations, manipulées ou non. Si Erdogan s’entête à vouloir réaliser le rêve kémaliste aux dépends de la Syrie et de l’Irak, s’en sera fini de lui et de la Turquie dans ses frontières actuelles. Peut-être s’imagine-t-il que la Russie le laissera réaliser ses rêves de conquêtes territoriales sur fond d’une très floue guerre antiterroriste, en échange de son repositionnement stratégique, en délaissant – par dépit – l’Amérique et l’Union européenne (qui lui ont tourné le dos) au profit de l’OCS (Organisation de Coopération de Shangaï) qu’il a l’intention de rejoindre comme il l’a annoncé le 20 novembre 2016 [8].


Les Russes ne sont visiblement pas disposés à le laisser faire, et ce même après un accord gazier et un accord de coopération militaire. Après la déclaration anti-Assad d’Erdogan (citée en début d’article), le porte-parole de Vladimir Poutine, Dimitri Peskov, a immédiatement réagit :

« Cette déclaration a eu lieu. La déclaration a été entendue partout dans le monde car la Turquie est notre partenaire et nos chefs d’Etats on un contact très intense et confiant. Cette déclaration est tout à fait nouvelle. Voilà pourquoi nous attendons avec impatience une explication de cette nouvelle position avant de prendre toute décision. », et il a ajouté, pour remettre Erdogan à sa place : « Cette déclaration est discordante par rapport à notre compréhension de la situation, comme Etat dont les forces armées sont les seules à se trouver légitimement sur le territoire de la République arabe syrienne à la demande des autorités légitimes, il est très important d’avoir cela en vue » [9]


Toutes les décisions politiques d’Erdogan depuis juin dernier relèvent de manœuvres de survies pour essayer de rattraper ses graves erreurs de jugements et son positionnement géopolitique en faveur du plan israélo-américain de remodelage du monde musulman, en particulier contre la Libye et la Syrie. Tout cela risque de le rattraper tôt ou tard, comme feu Saddam Hussein, qui a fini par payer de sa vie sa guerre contre l’Iran et le piège américain qui l’a conduit à tenter d’annexer le Koweït.

Youssef Hindi | 4 novembre 2016

 

mercredi 2 novembre 2016

La Russie face à son destin

Le présent texte est une actualisation de l’article rédigé par Youssef Hindi, titré « La Russie, l’Europe et l’Orient », publié en septembre 2015 par Geopolintel.

La Russie n’est pas qu’une grande puissance militaire, une vieille nation, tendant, depuis l’arrivée de Vladimir Poutine à sa tête, à équilibrer les rapports de forces géopolitiques et économiques. Elle est aussi un pont naturel, à différents degrés, entre l’Europe et l’Asie, l’Occident et l’Orient.

 

Ce pont, certains veulent le détruire depuis plus d’un siècle, notamment au moyen de cette arme que sont les idéologies de la modernité : le bolchevisme, une maladie mortelle qui s’est attaquée au cœur de la Russie, à son âme, le christianisme ; et l’ultralibéralisme des années 1990, pour l’achever. À cela se sont ajoutés les indépendantismes de régions de la Fédération russe, stimulés voire encouragés par les États-Unis pour abattre définitivement l’ours russe sur le plan géopolitique et le faire sortir de l’Histoire.

Si la Russie s’est relevée, il faut en saisir les causes profondes et comprendre son rôle ainsi que son destin.

 

Anthropologie, religion et géopolitique

Le retour « miraculeux » du christianisme en Russie n’est pas le fruit d’un accident de l’Histoire, mais bien la manifestation de lois anthropologiques fondamentales qui doit attirer l’attention des Européens. Toute société est organisée autour d’une croyance collective majoritaire ; les plus durables d’entre elles sont bien sûr les grandes religions qui, depuis l’ère industrielle en particulier, ont été remplacées progressivement par des croyances profanes, matérialistes et éphémères, comme les utopies communistes et libérales (issues du messianisme juif [1]) promettant un paradis terrestre, ou encore les idoles de l’argent, du sexe et de la violence, qui occupent une place importante dans les sociétés néolibérales. Les idéologies antireligieuses, à l’instar du communisme et du laïcisme, n’existent, par définition, qu’en opposition aux religions transcendantes, qu’arc-boutées contre la croyance en un Dieu transcendant.

Mais l’histoire et l’anthropologie nous apprennent que l’athéisme (croyance négative), lorsqu’il devient majoritaire, conduit à un inexorable effondrement de la société – n’ayant plus de religion sur laquelle s’appuyer, ni de morale stable – se traduisant par l’atomisation de la société et l’apparition d’individus [2] dépourvus de toute horizontalité (communauté, famille, ekklesia), car privé de verticalité ; les deux étant complémentaires.

La séquence historique que vient de traverser la Russie nous a montré comment l’effondrement brutal du communisme – l’idéologie dominante ne pouvant perdurer que par le maintien de la structure qui la sous-tend – fit place au retour de la religion traditionnelle en Russie (la nature ayant horreur du vide), à savoir le christianisme. Ceci nous permet d’ores et déjà d’anticiper la manifestation du même phénomène en Occident et en Europe en particulier. En effet, le système libéral et son idéologie sont visiblement en cours d’effondrement (ou plus précisément en cours de mutation, mais nous ne développerons pas cette idée ici) – depuis la crise financière de 2007-2008 – tout comme le communisme hier ; dans ce contexte, il faut s’attendre au retour imminent à la religion en Europe. Il faut toutefois craindre que ce retour incontrôlé (par ceux qui en ont la charge : la hiérarchie ecclésiale) à la croyance en Dieu ou à ce qui s’y apparentera, n’entraîne des dérives dangereuses, comme la multiplication de gourous et d’imposteurs en tous genres. La Russie elle, a réussi son retour à l’orthodoxie grâce à une église solide, faisant corps avec le peuple et l’État.

Ce qui précède nous amène à déduire que la Russie – au-delà de sa complémentarité économique avec l’Europe de l’Ouest – pourrait, dans le futur et si les conditions sont réunies, être un élément de stabilisation dans une Europe amenée à connaître de graves troubles sociaux, politiques et d’identité… Il faut ajouter à cela le rôle éminemment important que la Russie joue au Proche-Orient. Elle est un véritable pont entre l’Europe et l’Orient, le christianisme et l’islam – comme l’a très bien analysé Imran Nazar Hosein – en tant que grande nation multiethnique et multiconfessionnelle ; elle est, par son seul exemple, un remède potentiel à la stratégie du choc des civilisations, stratégie dont elle est elle-même l’une des premières cibles.

 

La stratégie antirusse israélo-américaine

Cette Russie chrétienne, cette Russie puissance continentale, tellurocratique, étend une influence naturelle sur une vaste zone géographique où vivent des populations diverses mais ayant paradoxalement, pour la majorité d’entre elles, une structure familiale de type russe, communautaire-égalitaire [3] ; c’est cette relative homogénéité anthropologique qui, sur la longue durée, a permis à la Russie de devenir cet « empire naturel », à l’inverse de son ennemi, la puissance américaine thalassocratique, héritière de l’Empire britannique et porteuse d’une idéologie différencialiste, imprégnée de darwinisme social sous couvert d’un démocratisme fondateur.

La Russie fait face à une double stratégie : une stratégie impériale américaine, dont le principal cerveau est Zbigniew Brzezinski, et de l’autre, ce qu’il faut bien appeler précisément la stratégie « sioniste ». Si la stratégie d’endiguement et de démantèlement de la Fédération de Russie élaborée par Brzezinski, dans son livre Le Grand Échiquier (1997/2002), est devenue évidente aux yeux de tous les observateurs, la stratégie sioniste, elle, est beaucoup moins limpide.

La stratégie géopolitique de Brzezinski est un demi-succès : pour ce qui est de la domination du cœur de l’Europe par la soumission totale de la France et de l’Allemagne, c’est chose faite, mais quant à l’éclatement de la Russie en provinces, permettant aux Américains de contrôler toute l’Eurasie et d’en contrôler les richesses naturelles et principalement les énergies fossiles, cela reste de l’ordre du fantasme. Les rêves de domination de Brzezinski se sont brisés sur le mur russe, sur le souverainiste Poutine. Mais la crise en Ukraine – pays auquel Brzezinski accorda une attention particulière et qu’il voulait absolument séparer de la Russie ; ainsi il écrit : « L’indépendance de l’Ukraine modifie la nature même de l’État russe. De ce seul fait, cette nouvelle case importante sur l’échiquier eurasien devient un pivot géopolitique. Sans l’Ukraine, la Russie cesse d’être un empire en Eurasie. » [4] – montre que les Américains n’ont absolument pas abandonné leur projet.

Jusqu’ici, la Russie de Poutine a tenu en échec les Américains à la fois en Syrie – déjà en septembre 2013 lorsque la Maison Blanche renonça in extremis à ses opérations de bombardement et tout récemment avec le déploiement par la Russie en Syrie de ses systèmes de défense antiaérienne S-300 pour empêcher toute future « erreur » de l’aviation américaine qui a bombardé des positions de l’armée syrienne (le 17 septembre 2016) – et par le retour spectaculaire de la Crimée dans la Maison russe (mars 2014) en pleine crise ukrainienne.

La stratégie sioniste pour la Russie se combine avec la stratégie américaine, mais en aucun cas elle n’oppose ouvertement ou directement Israël à la Russie, bien au contraire. Israël entretient de bons rapports diplomatiques avec la Russie tout en s’opposant à ses alliés au Proche-Orient (la Syrie, l’Iran).

Israël, via le lobby pro-israélien [5], utilise, en particulier depuis le tournant du 11 septembre 2001, les États-Unis et l’OTAN comme un outil de destruction des alliés historiques de la Russie au Proche-Orient, opposant plus encore Russes et Américains.

De ce point de vue, la situation actuelle au Proche-Orient ressemble très nettement à celle de la guerre de Six Jours en 1967 – engendrée par la stratégie israélienne de surenchère sur le front syrien – durant laquelle Tsahal conquiert la Cisjordanie, dont Jérusalem-Est, la bande de Gaza, le Golan syrien et la péninsule du Sinaï appartenant à l’Égypte. Alors que les États-Unis ne voulaient pas s’en mêler – du fait de la menace de l’Union Soviétique alliée de la Syrie et de l’Égypte – les Israéliens tentèrent de les y faire entrer de vive force en frappant le navire de reconnaissance américain USS Liberty qu’ils voulurent faire passer pour une attaque égyptienne contre les États-Unis, comme en 1954.

Qui veut identifier les ultimes bénéficiaires d’une guerre russo-américaine doit savoir que les premiers architectes de la guerre contre la Syrie sont les dirigeants israéliens et le lobby pro-israélien aux États-Unis, lesquelles ont commencé leur propagande anti-syrienne dans les allées du pouvoir étasunien dès 1996 [6] avec la persévérance du Diable (errare humanum est, perseverare diabolicum : l’erreur est humaine, la persévérance est diabolique).

Source: E&R

vendredi 28 octobre 2016

Le wahhabisme (2): la propagation du cancer

Le wahhabisme, ayant une histoire commune avec la dynastie des Saoud, alimente actuellement l’islamisme.

Si le royaume saoudien s’est renforcé et enrichi, ce n’est que grâce au pompage et à l’exploitation du pétrole. Les bretons, anciens mandatants, ont découvert des gisements pétroliers dont les américains ont bénéficié depuis la seconde guerre mondiale.

En 1945, sur le croiseur USS Quincy, le roi Abdelaziz Ben Abderahmane Ben Fayçal Al Saoud s’allia avec le président américain Roosevelt. Par ce pacte, les États-Unis devait protéger le régime wahhabo-saoudien en échange de l’or noir.

L’importance de ce pacte réside en ses revenus économiques que les Aal Saouds consacraient jusqu’aux années 60 à leurs activités religieuses et politiques.
Ils profitèrent alors du quadruplement des prix de pétrole en 1973 pour augmenter la richesse du royaume. Ce fut aussi une preuve de force au niveau international en tant que chef de l’OPEP (à l'époque).

Ils financèrent, par la suite, le «djihad en Afghanistan ». Ils coopérèrent avec des groupuscules réformistes dont les « Frères musulmans ». Il s’agit d’un groupe islamiste ayant les mêmes convictions religieuses que les wahhabites, mais, acceptant quelques pratiques occidentales comme le vote. Peu de temps après l’invasion soviétique de l’Afghanistan en 1979, Abdallah Azzam, un imam frère musulman, émît une fatwa soutenue par le mufti d’Arabie saoudite Ibn Baz, appelant à combattre « l’union soviétique athéiste ».

Entre 1982 et 1992, plus de 600 millions de dollars étaient dépensés pour les 35 000 volontaires du Djihad, dont 25 000 seraient saoudiens.
Ainsi, l’Afghanistan fut « wahhabisé » et dominée par un totalitarisme islamiste.

Face à leur succès en Afghanistan, les wahhabites visent à conquérir plus de terrain en Irak, en Syrie, au Maghreb, mais ce n'est toujours pas tout ! Car de nos jours, l’Europe est également cible du wahhabisme. Selon le journal saoudien Asharq Al Awsat, le royaume a consacré environ 5 millions d’euros pour édifier des centres religieux dans plusieurs pays européens laïcs. Le cancer wahhabo-saoudien s’est propagé dans le domaine universitaire et académique en constituant l’académie du roi Fahd (à Londres et Bonn) et la chaire du roi Fahd au sein de l’institut des études orientales et africaines de l’université de Londres.

En outre, plus de 1,8 milliards de dollars réservés au prosélytisme et aux imams de Médine, pole wahhabite, dont Aboubaker Al Jazayri incitant ouvertement dans son livre « La Voie Du Musulman » à l’armement défensif et offensif contre les non-musulmans, les soufis et les chiites que les takfiristes considèrent comme étant mécréants. Ainsi que Yousouf Qaradawi, vedette des frères musulmans, expliquant dans son livre « le licite et l’illicite » comment battre sa femme et tuer les apostats.
Pourtant, ces deux figures sont libres de publier en Europe. Leurs œuvres sont vendus, comme tout autre livre, sur Amazon et au Fnac de France, à la portée de tout le monde, sans déranger personne.

L’Arabie saoudite, berceau du wahhabisme, le Qatar, officiellement wahhabite, et le Kuwait où le wahhabisme est représenté au parlement fortifient l’islamisme et le terrorisme takfiriste. Par conséquent, les pays se voulant anti-terrorisme doivent bannir le wahhabisme, contrôler toutes les activités financées directement ou indirectement par les groupuscules islamistes, et refuser de s’allier et de coopérer avec les états dont la loi suprême est la doctrine salafo-wahhabite totalitaire.

©Imane Ayadi

Le wahhabisme (1): la naissance du takfirisme

La vague d’islamisme aujourd‘hui est motivée depuis des siècles par un courant politico-religieux se voulant islamique dit le wahhabisme.

L’histoire de cette secte remonte au 18e siècle en péninsule arabique. Mohamed Ben Abdelwahhab , son fondateur, étudiait chez son père qui était savant et juge. Dans cette société de bédouins , la tradition s’imposait : le fils ainé, qui est Mohamed, devait être, après son père, un chef de la famille. Mais, comme il n’a pas accompli ses études , son père ne lui a pas permis de le succéder.

Il quitta alors la péninsule arabique vers d’autres villes du monde islamique afin d’étudier. Or, il n’accomplissait jamais son apprentissage (il était chassé de Bassora, en Irak, ou il a fait ses dernières études). Il n’avait donc que des connaissances basiques en Théologie islamique : il est un faux savant (que plusieurs oulémas, dont son frère Souleymane Ibn Abdewahhab, magistrat à Huraymala, ont désavoué).

Mohamed retourna vers l’Arabie ou il créa sa secte. Il commença par rédiger « le livre de l’unicité divine » dont il se servit non pour expliquer les fondements de la foi islamique, mais pour accuser les musulmans de mécréance,  de paganisme et d’hypocrisie dans le but de leur imposer le wahhabisme. Il s’agit, en fait, d’une secte s’appuyant sur une lecture littérale - rejetée par l’ensemble des musulmans - des livres religieux islamiques (le coran et les recueils de hadiths).

Mohamed Ben Abdelwahhab adressa à ses partisans comme à ses ennemis, à partir de 1740, des lettres (publiées par l’université de l’imam M. Ibn Saoud de Riyad) ou il exprime ouvertement le takfirisme, un courant idéologique dont les adeptes excommunient tout individu n’ayant pas les mêmes points de vue qu’eux.

En réalité, Mohamed Ben Abdelwahhab tentait  -infructueusement - de se présenter comme un fondamentaliste pratiquant la religion dans toute sa pureté loin des interprétations des autres savants (Al Ijtihad).

Le wahhabisme, un mouvement nouveau, et toujours peu répandu, avait besoin de grandir. Mohamed Ben Abdelwahhab n’était pas le seul à avoir cette soif de pouvoir. Le chef de la dynastie Saoudienne l’avait également.

En 1744, un pacte fut conclu entre les deux chefs. Il consistait à ce que les wahhabites soutiennent le règne des Saouds qui, en retour, propageront la secte.

Mohamed Ben Abdelwahhab declara la guerre contre les tribus voisines. Les Saouds utilisaient la religion comme alibi de leurs attaques.

En 1802, ils attaquèrent Karbala, une ville sainte chez les Chiites. Le chroniqueur wahhabite Uthman Ben Abd Ben Bishr cite qu’ils ont tué les habitants de la ville et détruit le dôme de la tombe d’Al Hussein (petit fils du prophète Mohamed). Ils ont volé tous les biens de la ville : or, tapis, armes, argent, vêtements et des précieux exemplaires du Coran. L’an suivant, la population de Taif (au Hedjaz) était massacrée à son tour.

La tyrannie saoudienne continua jusqu’à 1818 ; les ottomans ont atteint la capitale Darya et ont exécuté l’émir saoudien. Cependant, l’émirat de Nejd restait sous le contrôle des Saouds entre 1819 et 1891. La géographie de la région les protégeait au moment ou la Dawa wahhabite se propageait.

La dynastie saoudienne était soutenue non seulement par les wahhabites, mais également par les bretons contre l’empire ottoman.

Dès les débuts du 20e siècle, les wahhabites dirigés par Adelaziz Ben Abderahmane Ben Fayçal Al Saoud (descendant de Mohamed Ibn Saoud) lança une campagne militaire pour former l’actuelle Arabie Saoudite. Son armée conquit Ryad et le Nejd (1902-1912), le Hedjaz, Mecque et Médine (1924), et Djeddah (1925) pour, finalement, unir les royaumes du Hedjaz (1925) et du Nejd (1927). En septembre 1932, la création du 3e royaume saoudien était déclarée.

Le bilan de ces guerres était lourd : 500 000 morts, 40 000 exécutions et 350 000 amputations réalisées par les wahhabites.

Ce succès politique des Saouds dû, avant tout, à l’alliance Wahhabo-Saoudienne, donna alors aux imams wahhabites takfiristes accès aux institutions religieuses et aux postes à responsabilité. Quelques années après, la sacrée constitution irréfutable de l’Arabie saoudite devint la doctrine wahhabite, takfiriste et totalitaire. Depuis ce temps, aucune modification n’a été apportée aux textes de loi saoudiens.

©Imane Ayadi

mardi 27 septembre 2016

l'Occident vu par un africain...


Quand ils font la guerre, elle devient mondiale.
Quand ils ont une opinion, elle est internationale.
Quand ils s'expriment, ils le font au nom du monde entier.
Quant à leurs valeurs, elles sont universelles.
Quand ils ont une crise, elle est globale.
Quand ils s'expriment, c'est une langue.
Quand ce sont les autres, ce sont forcément des dialectes.

Leurs fruits ont des noms du genre pomme, abricots, pèche.
Ceux de l'Afrique sont exotiques, sauvages.

Ils se sont installés de force en Amérique, au Canada, en Australie, en Afrique du sud, Amérique du Sud.

Puis ils nous traitent d'immigrés.

Quand ils viennent chez nous, ils disent qu'ils sont expatriés et quand c'est nous qui allons chez eux, ils nous traitent de clandestins.

Quand ils s'attaquent à l'occupant, ce sont des résistants.
Quand on s'attaque à l'occupant, nous sommes des terroristes.

Quand l'un d'entre eux meurt, nous devons apprendre son nom.
Quand les notres meurent par milliers, ils ne sont que des chiffres.

Ils sont les seuls à pouvoir se doter des bombes atomiques et bizarrement, ce sont les autres qui fabriquent et utilisent des "armes de destruction massive".

Quand ils croyaient en Dieu, le monde entier devait croire comme eux. Et maintenant qu'ils n'y croient plus, croire en Dieu est devenu ringard, quitte à discriminer ceux qui ne penseraient pas comme eux.

Quand certaines de nos tribus sont torses nus, nous sommes des sauvages. Et quand eux sont tout nus, ils font du naturisme.

Quand nos femmes se voilent, nous les opprimons. Quand les leurs se voilent, ce sont des saintes (sœurs).

Quand ils étaient les seuls à boxer, on parlait de noble art.
Depuis que nous les terrassons sur un ring ou un tatami, on parle de violence.

Quand ils nous prêtent de l'argent pour les payer, ils parlent d'aide au développement. Quand ils viennent nous piller, ils nous parlent de partenariat stratégique.

Quand ce sont eux qui payent, ils parlent d'influence et de lobbying. Quand c'est nous qui payons, c'est de la corruption, du clientélisme, du népotisme.

Ils traitent nos scarifications (marque de reconnaissance ethnique) de sauvage. Puis s'affichent comme des objets inertes pour vendre des sous-vêtements.

Saluons l'homme Blanc comme il se salue lui-même dans le miroir.
Pas pour notre salut, mais pour celui de son nombril.