mardi 22 novembre 2016

Les prisons, une zone de non-droits

Dans les prisons françaises, où les tensions atteignent leur paroxysme, la loi du plus fort règne et la radicalisation islamique fait son chemin.

Il y a aujourd’hui plus de 67 500 personnes incarcérées dans les prisons françaises. Mineurs et femmes sont en minorité. Les maisons d’arrêt concentrent les petites peines (moins de deux ans), les maisons centrales abritent les plus lourdes (de dix ans à perpétuité). C’est dans les premières, que l’incarcération est la plus pénible, alors que les autres détenus sont mieux traités, vivant, seuls, dans une cellule.

Les médias font état de l’importante surpopulation carcérale, de la présence de malades mentaux qui n’ont rien à faire en prison. Mais le grand intérêt de la fracassante enquête du sociologue Farhad Khosrokhavar, éminent spécialiste de l’islamisme, est de mettre les pieds dans le plat, d’ouvrir la prison à ses lecteurs, en évitant langue de bois et préjugés.

 

Une poudrière en devenir

L’univers carcéral est une zone de non-droit, non qu’il échappe aux règlements, mais du fait que ces derniers y sont constamment contournés, négociés et que, finalement, la force règne et l’emporte. C’est le cas entre surveillants et détenus. Les premiers se plaignent de voir leur autorité bafouée, de manquer du respect minimal et d’exercer le dernier des métiers, surtout les jeunes. Alternant soumission et protestation, un détenu peut obtenir beaucoup : une cigarette, une douche supplémentaire, éviter l’humiliation de la fouille intime, gagner quelques minutes de plus au parloir...

Mais cet essai met en évidence les tensions qui sont en train de transformer la prison en poudrière. Les « petits Blancs » sont devenus une minorité qui se vit dans une relation conflictuelle avec les détenus musulmans, majoritaires. Ils se sentent l’objet d’un racisme inversé, habités par une véritable conscience de l’exil, la certitude d’être déracinés en Île-de-France. Leurs propos, recueillis par le sociologue, en font foi ; il y a une hostilité croissante vis-à-vis de détenus musulmans qui affirment leur identité et dont les « Gaulois » minoritaires supportent mal la culture de banlieue.

Au coeur de Prisons de France se pose surtout la question cruellement actuelle de la radicalisation. Les musulmans forment entre 40% et 60% de la population carcérale. Dans le cadre porteur d’un islam qui reprend de la force, on peut distinguer trois types de religiosité. Il y a des délinquants musulmans pour lesquels l’islam n’a rien à voir avec la morale, la pratique faisant bon ménage avec les braquages ou les vols. Pour un sujet plus exigeant, un nouveau converti (born again) qui adopte un « islam éthique », la récente croyance apaise et dissuade de commettre des actes délictueux et peut éloigner de la toxicomanie. Le plus dangereux, c’est la religiosité du troisième type, l’islam djihadiste qui vit dans un monde binaire.

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